La mort de Britannicus, par Suétone.

Britannicum non minus aemulatione vocis, quae illi jucundior suppetebat, quam metu ne quandoque apud hominum gratiam paterna memoria praelaleret, veneno adgressus est. Quod acceptum a quadam Locusta, venenorum variorum indice, cum opinione tardius cederet ventre modo Britannici moto, accersitam mulierem sua manu verberavit arguens pro veneno remedium dedisse ; excusantique minus datum ad occultandam facinoris invidiam : " Sane ", inquit, " legem Juliam timeo ", coegitque se coram in cubiculo quam posset velocissimum ac praesentaneum coquere. Deinde in hadeo expertus, postquam is quinque horas protaxit, iterum ac saepius recoctum porcello objecit ; quo statim exanimato inferri in triclinium darique cenanti secum Britannico imperavit. Et cum ille ad primum gustum concidisset, comitiali morbo ex consuetudine correptum apud convivas ementius postero die raptim inter maximos imbres tralaticio extulit funere. Locustae pro navata opera impunitatem praediaque ampla sed et discipulos dedit.

Néron s’attaqua à Britannicus par le poison non moins par jalousie de sa voix qu’il estimait comme plus agréable que la sienne que par la crainte que le souvenir de son père ne prévale un jour dans la sympathie de ses contemporains. En effet, il reçut ce poison d’une certaine Locuste, qui avait découvert des poisons variés ; comme celle-ci lui obéissait trop lentement à son avis, le ventre de Britannicus ayant seulement été barbouillé, Néron prétextant qu’elle lui avait donné un médicament à la place d’un poison frappa de sa propre main cette femme quand elle se présenta à lui. A Locuste qui s’excusait, d’avoir diminué la dose pour cacher la haine du crime, il dit : " Assurément, je crains la loi Julia ", il la força à mijoter en secret un poison, le plus rapide possible et foudroyant, dans sa chambre. Après l’avoir essayé sur un chevreau il l’administra à un porcelet, après l’avoir fait recuire plusieurs dois, après celui-ci ait survécu 5 heures, le porcelet ayant aussitôt perdu la vie, Néron commanda que le poison soit apporté dans la salle à manger et donné à Britannicus qui mangeait avec lui. Et comme Britannicus s’était effondré à la première ingestion, Néron après avoir déclaré devant les convives qu’il avait été emporté comme à l’habitude par une crise d’épilepsie, il lui fit donner des funérailles ordinaires le lendemain discrètement sous une pluie battante. Néron accorda à Locuste l’impunité ; de larges récompenses mais aussi des disciples pour ses services éminents.

On lui doit " La vie des 12 Césars ", son œuvre majeure. Contemporain de Tacite, tout comme lui il n’a pas reçu de formation " historique ". Suétone, plus encore que Tacite va considérer l’histoire comme une tragédie ; la politique, une forme exacerbée des passions. Preuve dans la première phrase :

Est-il concevable qu’un adolescent tue par jalousie, non pas amoureuse, mais vocale ?

Suétone par contre, ne décrit pas la scène de la mort de Britannicus… Par manque de témoignages ?

Locuste est mentionnée dans les deux textes, comme empoisonneuse officielle… A-t-elle réellement existé ? C’est un témoin gênant, à écarter donc, on l’aurait alors enfermée dans le palais impérial ? Surtout que Locuste est citée dans les meurtres des deux premiers maris d’Agrippine. Il est peu probable que cette dernière ait commis l’erreur de la laisser en vie.

Il est possible que Néron ait pressé Locuste, lui-même pressé par les menaces de sa mère. Le fait que Britannicus, lui ait été diarrhéique à cause d’un empoisonnement et lui, discutable.

Comment l’empereur et l’empoisonneuse se rencontreraient-ils ? Il a plutôt demandé à ses gens de s’en occuper, d’autant plus qu’il l’aurait giflée ? Il aurait alors fallu un témoins, ils sont rares, en on fait en sorte de s’en débarrasser…

Le meurtre, fruit des passions : " invidiam " = la haine. Néron était pourtant annoncé comme un bon empereur.

Locuste est d’accord pour mettre en scène la mort de Britannicus. Néron dirait qu’il craint la loi Julia… Il est empereur "(tyran) au-dessus des lois ! Jamais in ne pourrait le juger.

→ A force de vouloir prouver par des détails, on finit par prouver le contraire !

Pour paraître innocent, il vaut mieux s’éloigner des assassins. Néron aurait proposé à Locuste de préparer le poison dans sa propre chambre ? Et surtout il aurait fait essayer le poison sur un chevreau, un porcelet… Pourquoi ne pas utiliser un esclave, un condamné à mort ?

→ Suétone veut à la fois prouver que Néron est cynique et infantile. C’est tout à fait contradictoire.

Aussitôt " statim " le poison prêt, il veut précipiter l’affaire et empoisonner Britannicus. Pour faire croire à un accident, il faut prévoir, et le faire devant témoins.

" Ad primum gustum concidisset ", même erreur que Tacite, les Romains ne connaissent pas de poison foudroyant à l’état soluble. A noter qu’il n’y a aucune allusion sur le goûteur.

" Comitiali morbo ", Britannicus ne serait-il pas effectivement mort d’une crise d’épilepsie ?

Britannicus n’a pas le droit à des funérailles solennelles : L’épilepsie est en effet une maladie maudite, les Romains ne gardaient pas longtemps le corps. Britannicus était aimé du peuple, on a craint que le peuple manifeste trop de sympathie pour Britannicus, surtout si l’enterrement est fait en plein jour. D’ailleurs, pourquoi les agents d’Agrippine n’en auraient-ils pas profité pour exciter le peuple afin de renverser Néron. Cette discrétion n’est dont pas ici par cynisme mais par intérêt politique.

Néron cherche comment tuer sa mère impunément, par Tacite

Avec la mort de Britannicus, Agrippine perd toute chance de pouvoir régner par procuration. Néron se dispute avec sa mère, notamment au sujet de Poppée que Néron veut épouser, mais que son mariage avec Octavie empêche. Agrippine soutint cette dernière, et l’on accuse Néron d’avoir orchestré le meurtre de sa demie-sœur/épouse. Voici comment il prépara sa mère avant de l’assassiner.

Igitur Nero vitare secretos ejus congressus, abscedentem in hortos aut Tusculanum vel Antiatem in agrum laudare quod otium capesseret. Postremo, ubicumque haberetur, praegravem ratus, interficere constituit, hactenus consultans veneno an ferro vel qua alia vi. Placuitque primo venenum. Sed inter epulas principis si daretur, referri ad casum non poterat, tali jam Britannici exitio ; et ministros temptare arduum videbatur mulieris usu scelerum adversus insidias intentae ; atque ipsa praesumendo remedia munierat corpus. Ferrum et caedes quonam modo occultaretur, nemo reperiebat ; et ne quis illi tanto facinori delectus jussa sperneret metuebat. Obtulit ingenium Anicetus libertus, classi apud Misenum praefectus et pueritiae Neronis educator ac mutuis odiis Agrippinae invisus. Ergo navem posse componi docet, cujus pars ipso in mari per artem soluta effunderet ignaram : " Nihil tam capax fortuitorum quam mare ; et si naufragio intercepta sit, quem adeo iniquum, ut sceleri adsignet quod venti et fluctus deliquerint ? Additurum principem defunctae templum et aras et cetera ostendae pietati.

Donc Néron évitait les rencontres en tête à tête, et la louait de prendre du repos lorsqu’elle se retirait dans ses jardins soit dans la propriété de Tusculanum ou dans la propriété d’Antium. Enfin, Néron ayant pensé qu’elle était difficilement supportable, il décida de la faire tuer hésitant seulement entre le poison ou l’épée ou n’importe quel autre moyen. Dans un premier temps, le poison le séduisit. Mais, s’il était administré au milieu du repas du prince, on ne pouvait évoquer un accident, la mort de Britannicus étant déjà mort ainsi.

Et il semblait difficile, de corrompre les serviteurs d’une femme rendue attentive envers les pièges par sa pratique du crime et elle-même s’était mithridatisée. Personne ne trouver comment dissimuler le glaive et le meurtre et il craignait que celui qui avait été choisi pour ce si grand crime ne révèle les ordres qu’il avait reçus. L’affranchi Anicetus qui commandait la flotte basée à Mycènes, qui avait été l’éducateur de Néron pendant son enfance et qui tait animé d’un haine commune à Agrippine, offrit son savoir-faire. Donc Anicetus lui apprend qu’on peut fabriquer un navire dont une partie disloquée intentionnellement en haute mer engloutirait Agrippine sans qu’elle s’en rende compte. Rien n’est plus sujet à un accident que la mer et si elle disparaissait dans le naufrage, qui serait assez injuste pour lui attribuer un crime que les vents et les flots ont provoqué ? Il ajouta que le prince se rendrait au temple près des autels et tous les autres (lieux de culte) pour afficher sa piété à l’égard de la défunte.

→ Ces prétendus meurtres ne seraient effectivement rien d’autre que des accidents.

→ Cela ressemble tant à un accident qu’encore une fois c’est certainement un accident.

→ Tacite n’a rien à voir avec un historien, il ne s’intéresse qu’aux passions, et est toujours en déphasage avec la volonté de meurtre et celle de la camoufler.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La mort de Britannicus, par Tacite.

Mos habebatur principum liberos cum ceteris idem aetatis nobilibus sedentes vesci in aspectu propinquorum, propria et parciore mensa. Illic epulante Britannico, quia cibos potusque ejus delectus ex ministris gustu explorabat, ne ommiteretur institutum aut utriusque morte proderetur scelus, talis dolus repertus est. Innoxia adhuc ac praecalida et libata gustu potio traditur Briannico ; dein, postquam fervore aspernabatur, frigida in aqua adfunditur venenum quod ita cunctos ejus artus pervasit ut vox pariter et spiritus raperentur. Trepidatur a circumsedentibus ; diffugiunt imprudentes ; at quibus altior intellectus resistunt defixi et neronem intuentes. Ille, cum erat reclinis et nescio similis, solitum ita ait per comitialem morbum quo prima ab infantia adflicaretur Britannicus, et redituros paulatim visus sensusque. At Agrippinae is pavor, ea consternatio mentis, quamvis vultu premeretur, emicuit ut perinde ignaram fuisse atque Octaviam sororem Britannici constiterit : quippe, sibi supremum auxilium ereptum et parricidii exemplum intellegebat. Octavia quoque, quamvis rudibus annis, dolorem, caritatem, omnes affectus abscondere didicerat. Ita, post breve silentium, repetita convivii laeticia.

On considérait comme d’usage que les enfants des princes mangeassent placés avec tous les autres nobles du même âge sous le regard de leurs proches, à une table particulière et plus frugale. Comme Britannicus mangeait là, parce que quelqu’un choisi parmi ses serviteurs goûtait ses aliments et ses boissons, pour que la coutume ne soit pas oubliée, et pour que le crime ne soit pas révélé par la mort de l’un ou de l’autre, la ruse suivante fut imaginée. Une boisson, jusque là inoffensive mais très chaude et brûlante est servie à Britannicus ; ensuite après qu’il l’eut repoussé à cause de sa chaleur, un poison, qui se trouvait dans de l’eau froide, poison qui envahit à ce point ses membres au point que la voix et le souffle lui furent enlevés en même temps. On s’agite, à commencer par ses voisins de table ; ceux qui ne réfléchissent pas s’enfuient, ceux qui ont une intelligence plus profondes restent immobiles et dévisagent Néron. Celui-ci, comme il était allongé et semblable à quelqu’un qui n’est pas au courant, déclare que c’était habituel à cause de l’épilepsie, dont Britannicus était affligé depuis sa prime enfance et que la vue et les sens lui reviendraient peu à peu. Mais la pâleur d’Agrippine, son hébétude, bien qu’elle le contînt sur son visage, fit apparaître qu’il est certain qu’elle était ignorante ainsi qu’Octavie, la sœur de Britannicus. A coup sûr, elle comprenait que son ultime atout lui avait été arraché et que c’était un exemple de parricide. Octavie aussi avait appris, quoiqu’elle fût dans ses années d’inexpérience, à cacher sa douleur, son affliction, tous ses sentiments. Ainsi après un bref silence, la joie du banquet repris.

On pense d’abord que Néron est criminel… Et cette version arrange bien l’église (persécution des chrétiens…). Aujourd’hui, Néron apparaît comme quelqu’un d’atypique, amateur de culture orientale, incompris de ses contemporains, et pas spécialement comme une brute. Britannicus est peut-être mort d’une crise d’épilepsie.

Tacite interprète la scène. Selon lui, Néron, pas encore empereur, souhaiterait bien faire son premier assassinat. D’autant plus que Britannicus est populaire.

Le goûteur aurait laissé se brûler Britannicus ? La carafe empoisonnée aurait été laissée à la portée de n’importe qui ?

Aucun poison soluble qui soit aussi foudroyant n’existait à cette époque, et un poison ne peut pas à la fois s’attaquer aux membres et aux sens. Britannicus, s’il a été empoisonné, ne l’a pas été de cette manière.

Il serait plus logique que les convives aient peur d’un épileptique, que de l’empoisonnement. Et ceux qui ne paniquent pas sont ceux qui ne savent pas que les crises de Britannicus sont fréquentes.

Dans un cas comme dans un autre, Néron passerait pour un coupable.

N’assistant pas à la scène, Tacite prétend que les convives lisent les sentiments des autres sur leurs visages ? Ils comprennent tous, alors que Néron n’a encore jamais assassiné ?

 

 

 

 

 

 

L’incendie de Rome, par Tacite.

Rome est naturellement protégée par 7 collines. Il n’y a jamais eu de plan d’urbanisme : les maisons sont construites n’importe où, n’importe quand. Un incendie pourrait alors être dramatique : les maisons sont chauffées par des braseros, les fenêtres sont faites de tenture.

L’incendie de 64 aura détruit près des 2/3 de Rome. On pense qu’il y a eu une dizaine de milliers de morts, mais c’est impossible à chiffrer. Cet incendie intervient au beau milieu du règne de Néron, et comme on ne prête qu’aux riches, ce dernier va passer pour un fou sanguinaire ? D’autant plus qu’il persécuta les chrétiens et profita de la destruction de la ville pour bâtir son rêve : la domus aurea.

Sequitur clades, forte an dolo principis incertum (nam utrumque auctores prodidere), sed omnibus, quae huic urbi per violentiam ignium acciderunt, gravior atque atrocior. Initium in ea parte Circi ortum, quae Palatino Caelioque montibus contigua est, ubi per tabernas, quibus id mercimonium inerat quo flamma alitur, simul coeptus ignis et statim validus ac vento citus longitudinem Circi conripuit.

Neque enim domus munimentis saeptae vel templa muris concta aut quid aliud morae interjacebat. Impetu pervagatum incendium plana primum, deinde in edita adsurgens et rursus inferiora populando, anteiit remedia velocitate mali et obnoxia urbe artis itineribus hucque et illuc flexis atque enormibus vicis, qualis vetus Roma fuit. Ad hoc lamenta paventium, feminarum, fessa aetate aut rudis pueritiae, quique sibi, quique aliis consulebant, dum trahunt invalidos aut opperiuntur, pars mora, pars festinans, cucta impediebant. Et saepe, dum in tergum respectant, lateribus aut fronte circumveniebantur, vel si in proxima evaserant, illis quoque igni correptis, etiam quae longinqua crediderant in eodem casu reperiebant. Postremo, quid vitarent, quid peterent ambigui, complere vias, sterni per agros ; quidam amissis omnibus fortunis, diurni quoque victus, alii caritate suorum, quos eripere nequiverant, quamvis patente effugio interiere. Nec quisquam defendere audebat, crebris multorum minis restinguere prohibentium, et quia alii palam faces jaciebant atque esse sibi auctorem vociferabantur, sive ut raptus licentius exercerent, seu jussu.

Il s’en suit un désastre par hasard ou par une ruse du prince : cela est incertain (en effet les historiens ont avancé l’une et l’autre hypothèse) mais plus grave et plus sanglant que tous ceux qui se produisirent à cette ville à cause de la violence des incendies. Il (le début…) commença dans cette partie du Cirque qui est contiguë au mont Caelius et au mont Palatin, là où dans les boutiques dont lesquelles se trouvaient ce des marchandises dont se nourrit les flammes, le feu aussitôt commencé, aussitôt violent et attisé par le vent, détruisit toute la longueur du cirque. Ni les maisons recouvertes de protection, ni les temples entourés de murs, ni toute autre forme de retard ne s’y opposaient. L’incendie, après avoir parcouru, dans un premier temps, dans son élan, ce qui est au centre de la ville, puis, surgissant sur les hauteurs, , devança les secours par la rapidité du fléau et à cause de la ville, qui était gênante à cause de ses rues étroites et qui tournait ça et là, et ses pâtés de maisons énormes ; ainsi était construite la vieille Rome. En outre, les lamentations des femmes paniquées usées par l’âge ou d’une enfance inexpérimentée et ceux qui faisaient attention à eux-mêmes et ceux qui faisaient attention aux autres, tandis qu’ils traînaient les impotents ou tandis qu’ils les trouvent les uns en s’attardant les autres en se hâtant, empêchaient tout (toute arrivée des secours). Et souvent, tandis qu’ils regardent en arrière ils étaient encerclés sur les côtés ou par devant, ou bien, s’ils s’étaient échappés dans les (quartiers) les plus proches, comme ceux-ci aussi avaient été détruits par le feu, ils trouvaient même dans la situation ceux qu’ils avaient crus être éloignés du feu. Enfin, ne sachant plus ce qu’il fallait éviter, ce qu’il fallait rechercher, ils encombraient les rues, se couchaient dans les espaces verts ; certains ayant perdu toute leur fortune y compris la possibilité de se nourrir, d’autres, par affection pour leurs proches qui n’avaient pas pu échapper aux flammes, périrent malgré une fuite possible. Et personne n’osait le combattre à cause des menaces fréquentes de beaucoup de gens qui empêchaient de l’éteindre et parce que d’autres jetaient ouvertement des torches et parce qu’ils criaient qu’ils agissaient en toute responsabilité soit pour exercer plus facilement leur pillage soit parce qu’ils en avaient reçu l’ordre.

On parle beaucoup de l’incendie de Rome car, comme toute catastrophe, il aura marqué les esprits ainsi que l’Histoire, sur 3 plans :

Qu’en est-il vraiment ?

On a accusé Néron d’avoir ordonné l’incendie afin de faire de la place pour son projet mégalomaniaque de sa domus aurea. Pour détruire les bâtiments, on n’utilise certainement pas le feu, qui peut être rapidement incontrôlable.

Il fallait prolonger le palais impérial… Donc brûler à côté, au risque de détruire son propre palais, un jour de grand vent ?

" Nam utrumque auctores prodidere " → 2 thèses équiprobables = malhonnêteté de Tacite alors qu’il avoue lui-même ne pas avoir de témoignages fiables : aveu d’impuissance. (Forte an dolo = hasard / principis incertum = ruse du prince) Pourquoi Néron ne se serait-il pas embêté à virer les habitants ?

Chaque fait décrit par Tacite innocente Néron, mais ces faits ne seraient rien comparés à la rumeur, hypothèse retenue par Tacite, d’où encore sa malhonnêteté.

Constat : la fréquence des incendies (clades omnibus gravior atque atrocior) à cause de l’urbanisme. Il y a de plus un problème " géographique " : l’incendie démarre au Grand Cirque (au Sud) et il faudrait agrandir le palais à l’Est ? Mais le coût serait exorbitant !

→ L’hypothèse retenue reste que l’incendie a démarré dans les échoppes proches du Cirque Maxime, qui contenant des matériaux inflammables. Le feu est allé rapidement à cause de l’appel d’air formé par les murs du Cirque, et du vent. Certains bâtiments sont protégés. Le feu monte sur les hauteurs, redescend lorsqu’il n’y a plus rien à brûler.

Tacite ne remet pas en cause l’organisation des vigiles, bien équipés à l’époque, mais plutôt l’urbanisme sauvage à Rome. César avait interdit le débarquement de marchandises le jour, à Rome, mais la circulation restait importante. La panique augmenta la pagaille lors de cet incendie, ce qui fait que les secours ne purent bien travailler.

L’incendie a été attisé par l’étroitesse des rues et l’énormité des bâtiments, aggravée par les balcons habités par des familles !

Le comportement de certains Romains va aggraver l’incendie :

(Environ 100000 morts et plus… Mais impossible de savoir car seuls les citoyens Romains été recensés, donc ni les femmes, ni les enfants (ni les esclaves, affranchis, ou SDF = la plèbe) . Rome était surpeuplée, 100000 morts, c’est peu comparé aux 4 millions d’habitants à Rome.)

Autre circonstance : les rues étant étroites et tortueuses, le feu se propage très rapidement sur les côtés, ce qui fait que parfois les gens se retrouvèrent dans l’incendie, pensant l’avoir dans le dos. La difficulté à situer le feu a contribué à alourdir le bilan humain.

Certains, totalement brisés, se couchèrent et attendirent la mort. Ils se suicident de désespoir, ayant tout perdu, et ne voulant plus refaire de vie après ça, même en ayant la possibilité de fuir : ce genre d’événements exacerbe les sentiments. D’autres dictés par leur instinct de survie, tentèrent le tout pour le tout.

→ Tacite ne fait rien d’autre que de raconter une catastrophe, où chaque phrase permet d’innocenter Néron. En quoi serait-il coupable ?

Deux situations classiques dans ce genre d’incendie :

Ils n’ont rien et pillent pendant qu’on ne s’occupe pas d’eux, et menacent ceux qui les en empêchent.

Le seul problème est l’interprétation de Tacite " jussu " = mettre le feu.. Mais où ?

Au même moment Néron est à Antium, dans sa maison de campagne. " Néron ne revint pas à Rome avant que l’incendie ait atteint son palais ". L’incendie dura plusieurs jours. Le temps qu’on prenne la dimension de l’incendie (ils étaient si fréquents), d’envoyer un message à Néron pour qu’il revienne.

Aurait-il mis le feu aussi loin de son palais au point que l’incendie mette un jour et demi pour y arriver ?

Mesures de Néron :

Un empereur aussi soucieux de son peuple serait-il alors assez pervers pour chanter des poèmes en regardant sa ville brûler ?

Les progrès de la haine, par Tacite.

Turbatus his Nero et propinquo die, quo quartum decimum aetatis annum Britannicus explebat, volutare secum modo matris violentiam, modo ipsius indolem levi quidem experimento nuper cognitam, quo tamen favorem late quaesivisset. Festis Saturno diebus, inter alia aequalium lidicra regnum lusu sortientium, evenerat ea sors Neroni. Igitur ceteris diversa nec ruborem adlatura ; ubi Britannico jussit exsurgeret progressusque in medium cantum aliquem inciperet, inrisum ex eo sperans pueri sobrios quoque convictus, nedum temulentos ignorantis, ille constanter exorsus est Carmen, quo evolutum eum sede patria rebusque summis significabatur. Unde orta miseratio manifestior, quia dissimulationem nox et lascivia exemerat. Nero, intellecta invidia, odium intendit ; urguentibusque Agrippinae minis, quia nullum crimen neque jubere caedem fratris palam audebat, occulta molitur pararique venenum jubet.

Néron, perturbé par ces menaces et par le jour prochain où Britannicus achevait sa 14ème année, ressassait dans son esprit tantôt la violence de sa mère, tantôt le caractère de Britannicus lui-même, comme récemment par un indice à la vérité mince, par lequel il avait recherché cependant largement la sympathie. Pendant les Saturnales, parmi d’autres amusements d’adolescents du même âge tirant au sort un roi pour jouer, le sort échut à Néron. C’est pourquoi Néron ordonna à tous les autres des activités diverses et qui n’étaient pas destinées à leur apporter la honte ; lorsque Néron ordonna à Britannicus de se lever et après s’être avancé au centre d’entamer une chanson, espérant de ce chant le rire d’un enfant qui ignorait les banquets sobres et, à plus forte raison, des banquets arrosés, celui-ci commença courageusement un chant dans lequel il manifestait qu’il avait été écarté du trône paternel et des charges les plus hautes. De là naquit une compassion assez évidente, parce que la nuit et le relâchement avaient enlevé la feintise. Ayant compris la jalousie, Néron le prit en haine. Comme les menaces devenaient pressantes, parce qu’il n’y avait aucun grief contre lui et qu’il n’osait pas ordonner ouvertement le meurtre de son frère, il manigance dans l’ombre et ordonne qu’un poison soit préparé.

Plus qu’un historien, Tacite apparaît comme un tragédien. Le meurtre n’est pas politique mais passionnel, orchestré par un Néron " turbatus his ". On a l’impression qu’il est cerné par deux ennemis : " modo Agrippina, modo Britannicus ". Ce n’est pas sa mère qui l’inquiète, mais sa " violentiam ". C’est plus de l’intuition/passion que de la politique. Il grossit sans cesse le danger que représente effectivement Britannicus : peut-être regrettait-il d’être écarté du trône sans le revendiquer ?

Néron est très versatile : de l’indifférence envers Britannicus, pour une simple anecdote, il se tourne vers la haine. Il se base encore sur son intuition.

On le dit criminel, mais il n’est pas déterminé : pourtant face aux menaces très claires de sa mère, il en arrive encore à hésiter.

Tacite ne se repose pas sur des faits, mais sur l’interprétation des sentiments qu’il prête aux acteurs du drame.

Britannicus apparaît comme un saint (on ne sait dire si cela est vrai ou faux). Peut-on croire qu’il n’ait jamais revendiqué le trône. Et si c’est sans risque, pourquoi serait-il courageux ? Et Britannicus serait complice d’Agrippine après qu’elle l’ait écarté du trône ? Il sembla avoir bien plus de dignité…

 

 

 

 

 

 

 

Echec, par Tacite

Noctem sideribus illustrem et placido mari quietam quasi convicendum ad scelus dii praebuere. Nec multum erat progrssa navis, duobus e numero familiarium Agrippinam comitantibus, ex quis Crepereius Gallus haud procul gubernaculis adstabat, Acerronia, super pedes cubitantis reclinis, paenitentiam filii et recuperatam matris gratiam per gaudium memorabat, cum dato signo ruere tectum locin multo plumbo grave ; pressusque Crepereius et statim exanimatus ; Agrippina et Acerronia eminentibus lecti parietibus ac forte validoribus quam ut oneri cederent protectae sunt. Nec dissolutio navigii sequebatur, turbatis omnibus et quod plerique ignari etiam conscios impediebant. Visum dehinc remigibus unum in latus inclinare atque ita navem submergere ; sed neque ipsis promtus in rem subitam consensus, et alii, contra nitentes, dedere facultatem lenioris in mare jactus. Verum Acerronia, imprudentia dum se Agrippinam esse utque subveniretur matri principis clamitat, contis et remis et quae fors obtulerat navalibus telis conficitur ; Agrippina, silens eoque minus adgnita – unum tamen vulnus umero excepit – nando, deinde occursu lenunculorum Lucrinum in lacum vecta, villae suae infertur.

Les dieux offrirent une nuit illuminée d’étoiles et calme en raison d’une mer étale comme pour révéler le crime. Et le navire ne s’était pas avancé beaucoup (en haute mer) ; deux personnes au nombre des familiers d’Agrippine, l’accompagnant, parmi lesquels Crepereius Gallus, qui se trouvait non loin de la barre et Acerronia, allongé sur les pieds d’Agrippine étendue, rappelait le repentir de Néron et le retour en grâce de sa mère quand, à un signal donné, le toit de cet endroit alourdi par une grande quantité de plomb, s’effondra. Crepereius fut écrasé et mourut aussitôt, Agrippine et Acerronia furent protégées par les colonnes dressées de son lit et par hasard trop solide pour céder sous le poids. Et la dislocation du navire ne suivait pas parce que tout le monde était paniqué et parce que la plupart qui étaient dans l’ignorance gênaient même les gens au courant. Ensuite, il sembla bon aux rameurs de faire pencher le navire sur un côté d’un seul coup et de faire couler le navire de cette façon. Mais ils ne s’accordèrent pas assez vite entre eux pour une action rapide, et les autres, en s’y opposant donnèrent la possibilité d’une entrée plus douce dans la mer. Or Acerronia sans réfléchir, tandis qu’elle s’écrie à plusieurs reprises, qu’elle est Agrippine et pour qu’on vienne en aide à la mère du prince, est tuée avec des perches, des rames et les instruments du navire que le hasard offrait. Agrippine se taisant et de ce fait moins reconnue, reçut cependant une blessure unique à l’épaule ; elle se rendit à la nage dans le lac Lucrinus puis en rencontrant des barques de pêcheurs, elle est transportée dans sa résidence.

Il aura fallu construire ce bateau truqué, il y a donc des témoins. Ce qui est caractéristique, c’est l’amateurisme des " comploteurs ", qui feraient presque passer cela pour un accident.

- Simuler un naufrage pour cacher le crime… Comment pourrait-on croire qu’un bateau romain coule une nuit étoilée, par une mer étale. " Comme pour mieux révéler le crime " … Critique perfide et gratuite.

- Apparemment, Néron aurait réussi à endormir la méfiance de sa mère. Elle n’hésite pas à venir, et elle est accompagnée de gens " décontractés " , spécialement Acerronia, joyeuse : elle parle du repentir du fils, et du retour en grâce de la mère. L’intox de Néron a parfaitement fonctionné.

- " Nec multum erat progressa avis" : Quel amateurisme ! Le bateau ne coule même pas en plein mer !

- La masse de plomb est mise au-dessus de la chambre d’Agrippine… Comment Tacite savait-il ?

- Comment les ouvriers ne se seraient-ils pas inquiétés de cette masse de plomb ? Ou bien on est discret sur un accident, ou on tue !

- Le plomb était censé faire crever la cale du bateau, mais fut retenu par le lit à baldaquin. Invention de Tacite ou extrême amateurisme ?

- Une seule partie de l’équipage avait été mise au courant : " plerique ignari " . Si l’on engage peu de gens, il aurait fallu qu’il soient doués… Car ils ne savent pas faire couler le bateau malgré la pagaille.

- Il n’y a pas de chef ! " Visum est " ; ils ne sont pas capables de prendre une décision rapide, en une seule fois.

- Acerronia s’est-elle sacrifiée pour sa maîtresse, ou a-t-elle voulu sauver sa peau, n’ayant pas compris qu’il s’agissait d’un attentat ? (Elle se réjouit qu’Agrippine soit réhabilitée).

- Il est étonnant qu’Agrippine ait pu s’échapper aussi facilement : après avoir massacré la pseudo-Agrippine, ils laissent s’échapper les témoins ! Et ne tentent pas de voir à quoi ressemble Agrippine.

- Néron n’a plus aucune raison de dissimuler son envie de tuer Agrippine, après cette tentative… Car ce n’est qu’une tentative : Agrippine est toujours vivante.

 

La mort d’Agrippine, par Tacite

Interim, vulgato Agrippinae periculo, quasi casu evenisset, ut quisque acceperat, decurrere ad litus. Hi molitum objectus, hi proximas scaphas scandere ; alii, quantum corpus sinebat, vadere in mare ; quidam manus protendere ;questibus, votis, clamore diversa rogitantium aut incerta respondentium omnis ora compleri ; adfluere ingens multitudo cum luminibus, atque, ubi incolument esse pernotuit, ut ad gratandum sese expedire, donec aspectu armati et minitantis agminis dejecti sunt. Anicetus villam statione circumdat, refractaque janua, obvios servorum abripit, donec ad fores cubiculi veniret ; cui pauci adstabant, ceteris terrore irrupentium exterritis. Cubiculo modicum lumen ineart et ancillarum una, magis ac magis anxia Agrippina, quod nemo a filio ac ne Agermus quidem : aliam fore laetae rei faciem ; nunc solitudinem ac repentios strepitus et extremi mali indicia. Abeunte dehinc ancilla, "tu quoque me deseris" prolocuta, respicit Anicetum, trierarcho Herculeio et Obarito, centurione classiario, comitatum ; ac, si ad visendum venisset, refotam nuntiaret, sin facinus patraturus, nihil se de filio credere : non imperatum parricidium. Circumsistunt lectum percussores, et prior trierarchus fusti caput ejus adflixit ; jam in mortem centurioni ferrum destringenti protendens uterum, "Ventrem feri" exclamavit, multisque vulneribus confecta est.

Pendant ce temps, le danger encouru par Agrippine ayant été connu, comme s’il était arrivé par accident, on courait en direction de la côte au fur et à mesure que chacun l’apprenait : les uns montaient les jetées de pierre, les autres sur les barques les plus proches, d’autres s’avançaient dans la mer, tant qu’ils avaient pied et certains étendaient les mains. Toute la côte était remplie des plaintes, des vœux et de la clameur de gens qui demandaient des choses différentes ou de gens qui répondaient des choses incertaines. Une foule immense arrivait avec des torches et lorsque l’on sut qu’Agrippine était saine et sauve, se préparait comme pour la féliciter jusqu’au moment où ils se dispersèrent à la vue d’une colonne en armes et menaçante. Anicetus fait encercler la propriété par une patrouille et après avoir brisé la grille il fait arrêter ceux des serviteurs qui se présentaient devant lui, jusqu’au moment où il arriva devant les portes de la chambre à coucher ; or quelques serviteurs se trouvaient devant celle-ci, tous les autres ayant été effrayés par la peur de ceux qui faisaient irruption. Une faible lumière et une seule de ses servantes se trouvait dans la chambre à coucher. Agrippine était de plus en plus inquiète parce que personne et pas même Agermus ne venaient de la part de son fils. Elle dit que le visage d’une nouvelle heureuse serait autre ; maintenant c’était la solitude, l’agitation soudaine et les signes d’un malheur ultime, puis comme sa servante se retirait, après lui avoir dit " Toi aussi tu m’abandonnes ", elle regarde en arrière Anicetus accompagné du triérarque Herculeius et Obaritus le centurion de la flotte. Mais s’il était venu pour lui rendre visite qu’il annonce qu’Agrippine se porte bien ; s’il était venu dans l’intention de commettre un crime, elle disait qu’elle ne croyait en rien que son fils en était à l’origine, le parricide n’avait pas été ordonné. Les assassins entourent le lit et le triérarque, le tout premier, frappa sa tête avec un bâton. Agrippine offrant désormais son ventre au centurion qui dégainait son épée pour la tuer " Frappe au ventre " s’exclama-t-elle, et elle fut frappée de nombreuses blessures.

Apparition de Sophonibe, par Tite-Live

Tite-Live est, lui, un historien nationaliste, patriotique : il glorifie les Romains quand les étrangers sont décadents, selon lui.

En Numidie, les roi Masinissa est renversé par son oncle Syphax, partisan d’une alliance avec Carthage, puisqu’il est marié avec Sophonibe sœur d’Hannibal.

Le texte démarra alors que, avec l’aide des Romains, Masinissa retrouve son trône, et Syphax est arrêté par les Romains. Masinissa rentre dans son palais, apparaît alors Sophonibe.

Intranti vestibulum in ipso limine Sophoniba, uxor Syphacis, filia Hasdrubalis Poeni, occurrit ; et, cum in medio agmine armatorum Masinissam insignem cum armis, tum cetero habitu connspexisset, regem esse, id quod erat, rata, genibus advoluta ejus : "Omnia quidem ut posses, inquit, in nobis di dederunt virtusque et felicitas sua ; sed si captivae apud dominum vitae necisque suae vocem supplicem mittere licet, si genua, si victricem attingere dextram, precor quasoque per majestatem regiam, in qua paulo ante nos quoque fuimus, per gentis Numidarum nomen, quod tibi cum Syphace commune fuit, per hujusce regiae deos, qui te melioribus omnibus accipiant quam Syphacem hinc miserunt, hanc veniam supplici des ut ipse quodcumque fert animus de captiva tua statuas neque me in cujusquam Romani superbum et crudele arbitrium venire sinas. Si nihil aliud quam Syphacis uxor fuissem, tamen Numidae atque in eadem mecum Africa geniti quam alienigenae et externi fidem experiri mallem : quid Carthaginiensi ab Romano, quid filiae Hasdrubalis timendum sit vides. Si nulla re alia potes, morte me ut vindices ab Romanorum arbitrio oro obtestorque. Forma erat insignis et florentissima aetas. Itaque cum modo genua modo dextram amplectens in id ne cui Romano traderetur fidem exposceret propiusque blanditias jam oratio esset quam preces, non in misericordiam modo prolapsus est animus victoris, sed, ut est genus Numidarum in venerem praeceps, amore captivae victor captus. Data dextra in id quod petebatur obligandae fidei in regiam concedit. Institit deinde reputare secum ipse quemadmodum promissi fidem praestaret. Quod cum espedire non posset, ab amore temerarium atque impudens mutuatur consilium : nuptias in eum ipsum diem parari repente jubet ne quid relinqueret integri aut Laelio aut ipsi Scipioni consulendi velut in captivam, quae Masinissae jam nupta foret. Factis nuptiis supervenit Laelius et adeo non dissimulavit improbare se factum ut primo etiam cum Syphace et ceteris captivis detractam eam lecto geniali mittere ad Scipionem conatus sit. Victus deinde precibus Masinissae orantis ut arbitrium utrius regum duorum fortunae accessio Sophoniba esset ad Scipionem rejiceret, misso Syphace et captivis, ceteras urbes Numidiae quae praesidiis regiis tenebantur adjuvante Massinissa recipit.

Sophonibe, l’épouse de Syphax, la fille de Hasdrubal le Carthaginois, se présenta à Masinissa qui entrait dans lme vestibule au seuil même du palais et lorsqu’elle eut aperçu au milieu de son état-major Masinissa remarquable d’une part par ses armes d’autre part par le reste de sa tenue, ayant pensé, ce qui était vrai, qu’il était le roi elle se jeta à ses genoux. Les dieux, ton courage et ta réussite t’ont donné à la vérité tous les pouvoirs sur nous, dit-elle, autant qu’il est possible. Mais s’il est permis à une captive d’adresser une voix suppliante au maître de sa vie et de sa mort, s’il lui est permis de toucher la main de son vainqueur, s’il lui est possible de se jeter à ses genoux, je te prie et te supplie au nom de la majesté royale dans laquelle nous fûmes, nous aussi il y a peu, au nom de la race des Numides qui te fut commune avec Syphax, au nom des dieux de ce royaume qui te reçoivent sous de meilleurs présages qu’ils ont expulsé Syphax d’ici, accorde à ta suppliante cette faveur de décider toi-même en ton âme et conscience au sujet de ta captive et de ne pas permettre que je tombe dans les griffes orgueilleuses et cruelles d’un quelconque Romain. Si je n’avais été rien d’autre que l’épouse de Syphax néanmoins je préfèrerais éprouver la parole d’un Numide et de quelqu’un qui est né comme moi sur la terre d’Afrique, plutôt que de quelqu’un d’une autre race et étranger. Vois ce que doit craindre une Carthaginoise d’un Romain et ce que doit craindre d’un Romain la fille d’Hasdrubal. Je te prie et te conjure de me libérer de la décision des Romains par la mort si tu ne peux le faire par un autre moyen. Sa beauté était remarquable et elle était tout à fait dans la fleur de l’âge. C’est pourquoi alors que tantôt enserrant ses genoux tantôt sa main elle lui réclamait son engagement de ne pas la livrer à un Romain et désormais son discours était plus proche des caresses que des prières, l’esprit du vainqueur non seulement tomba dans la miséricorde mais le vainqueur fut séduit par l’amour de sa captive, comme la race des Numides est précipitamment portée à l’amour. Ayant donné sa parole sur ce qui lui était demandé, il se retira dans son palais. Ensuite il décida de réfléchir à la manière avec laquelle il tiendrait sa promesse. Et comme il ne pouvait pas arranger cela, il conçoit par amour un projet téméraire et insensé : il ordonne soudain que son mariage soit préparé pour le jour même pour qu’aucun motif ne soit laissé à Laelius ni à Scipion lui-même pour prendre une décision comme pour une captive qui était désormais mariée à Masinissa. Le mariage terminé, Laelius survient et dissimula si peu qu’il désapprouvait ce qui s’était passé, que dans un premier temps même, il s’efforça d’envoyer à Scipion Sophonibe, qu’il avait arraché au lit nuptial, avec Syphax et tous les autres prisonniers. Ensuite, Laelius, vaincu par les prières de Masinissa qui le suppliait de laisser à Scipion sous la responsabilité des deux rois Sophonibe serait dépendante ; après avoir envoyé Syphax et les prisonniers, avec l’aide de Masinissa il s’empara de toutes les autres villes de Numidie qui étaient occupées par des garnisons royales.

Les événements rapportés se passent en –203, à la fin de la 2nde guerre punique (qui se termine en –202 à Zama, où Scipion écrase Hannibal). La scène se passe en Afrique. Sophonibe est la fille d’Hasdrubal, et la sœur de Hannibal. Très jeune, elle a épousé Syphax qui était très âgé, ce qui peut expliquer la facilité avec laquelle elle passe de l’un à l’autre en quelques minutes. D’autant plus que Syphax a été destitué.

On dit que Sophonibe reconnaît Masinissa uniquement à ses armes. Possible, Masinissa est le neveu de Syphax et à l’époque on ne représente que par des pièces ou des statues qui enjolivent. Au premier regard, il se passe quelques chose : " insignem " " cetero habitu ". Elle réagit très vite : ne disant pas un mot elle se jette à ses genoux (manière d’avoir la vie sauve : geste religieux d’une vieille tradition Romaine où elle devient une suppliante, elle est sous la protection de Masinissa). Elle calcule bien : on ne peut s’attaquer à une suppliante et Masinissa est coincé.

Le discours de Sophonibe a été inventé par Tite-Live de toutes pièces. Tout ce qu’il lui fait dire est de l’ordre de la séduction : " di dederunt virtusque et felicitas tua " Elle flatte son ego… Malgré que les Romains soient responsables de la victoire de Masinissa, ce dernier doit à la place des Romains décider de son sort.

Elle le met dans l’obligation de la secourir : sa vie dépend de Masinissa et de personne d’autre " dominum vitae necisque ". Sophonibe n’a pas comploté contre Masinissa, qui n’a donc rien à lui reprocher : elle n’a joué aucun rôle dans la politique de son mari.

Accumulation de mots rappelant son état de suppliante… Il doit donc la sauver : " supplicem – genua – dextram – precor – quaeso "

Elle avance 3 arguments :

Elle se répète et fait tout pour que tout dépende de lui, et non d’autres " choses ", ce qui est faux : son sort dépend de Scipion.

Ce qui l’attend : " superbum ; crudele "… Une mort violente par les Romains. Elle craint surtout la manière dont elle va mourir, d’autant plus inacceptable qu’elle soit jeune, jolie et reine. Masinissa peut-il l’accepter ? … Sauf qu’il ne faut pas oublier que ce discours est celui de Tite-Live.

" Si nihil aliud quam Syphacis uxor fuissem " Elle parle d’elle au neutre, occulte son mariage, manière de dire qu’elle n’est pas responsable, mais qu’elle appartient à Masinissa.

Argument gonflé : Elle Carthaginoise, lui Numide : 2 Africains. Il se doit de la sauver mais aurait-elle oublié qu’il s’est alliée aux Romains ? Tite-Live suggère-t-il que Sophonibe veut faire avec Masinissa ce qu’elle avait fait avec Syphax : changer son alliance ?

" Carthagiensi ab Romano "… Elle est Carthaginoise… C’est la vie ou la mort. D’ailleurs s’il la livre aux Romains, c’est lui qu’il l’aura en quelque sorte tuée. Mais Masinissa n’a aucun grief contre elle.

Changement de ton : " Forma erat insignis ". Le discours tombe à l’eau, en réalité Masinissa tombe sous le charme de Sophonibe. Une manière pour Tite-Live de dire que Sophonibe est peu recommandable : elle joue de son corps plus que de sa politique, tout ne serait que prétexte et Sophonibe aurait un double jeu… Elle a pourtant côtoyé les politiques.

Pour Tite-Live, les prières de Sophonibe se transforment en caresses ; il est grave de dévoyer ses gestes sur son protecteur.

On s’intéresse alors à Masinissa. Il a beau être un allié de Rome, il est traité en étranger par Tite-Live. Il apparaît vite comme faible et irréfléchi.

Juste après ce discours, en quelques minutes, Masinissa est sous le charme, comme une inversion des rôles : jeu avec " victor ". Il n’y a pas que de la compassion pour sa captive, il y a aussi de l’amour.

Une manière de dire pour Tite-Live que les Numides ont le sang chaud : " praeceps ", la tête la première… Masinissa sombre dans l’amour très vite.

Il lui donne la main immédiatement " data dextra " : c’est un signe d’abord de protection du supplié envers sa suppliante, mais aussi d’amour.

On a ensuite le sentiment qu’il s’est emballé (étrange pour un chef d’Etat). Il agit avant de se demander comment il va pouvoir tenir sa promesse. Et Tite-Live ne mâche pas ses mots " temerarium " " impudens "… Il prend d’ailleurs cette décision alors que Sophonibe est captive, et appartient donc à Scipion.

Mais Masinissa commet une 2nde bêtise Et Tite-Live insiste encore sur la rapidité de l’irréflexion " in eum ipsum diem " " repente ".

Et ce n’est pas fini : il veut mettre Laelius et Scipion au pied du mur. Ce qui est idiot, car de cette manière, il va lui-même pousser à la crise vers une issue radicale.

Plus moyen de faire machine arrière " jam nupta foret ". C’est ce mariage qui va cristalliser la crise.

Arrive Laelius… Au vu de son comportement (s’adressant tout de même au roi), Masinissa n’est qu’un accessoire. Il se permet d’ouvrir les portes du palais, et va enlever Sophonibe du lit nuptial.

On constate que Laelius est un bon exécutant. Entre Masinissa et Scipion, il ne veut pas prendre de décision… Enlever la femme d’un allié ? Revenir sans la fille devant son chef ? Il est militaire, pas diplomate… Il enlève donc tous ceux qu’il peut.